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En un combat inégal: la médecine générale ébranlée


Santé conjuguée n° 38 - octobre 2006

Elections syndicales des médecins 2006, l’analyse du GBO.

C’est le concept même de médecine générale qui est ébranlé par le résultat des élections du 3 octobre 2006! Le SVH a quitté le Cartel pour tenter de défendre plus radicalement la médecine générale en Flandre, par la création d’un syndicat mono-disciplinaire généraliste. En s’abstenant massivement aux élections, il rate son objectif: il affaiblit la représentativité des médecins généralistes et de surcroît, par la mécanique du comptage électoral (Cartel 53% – ABSyM 40%: 3 sièges chacun), il «offre» son siège généraliste en Commission nationale médico-mutualiste à l’ABSyM, syndicat principalement spécialiste, grâce à qui, sous la coupe de son pouvoir absolu pendant 40 ans, la médecine générale a perdu son âme… et ses finances. L’ABSyM était, entre autres, contre les élections syndicales, contre le Dossier médical global, contre l’honoraire de disponibilité, contre le soutien financier des réseaux en médecine générale. Tous ces progrès, portés par le Cartel, ont vu le jour grâce… à l’intervention du politique! L’ABSyM est encore et toujours adversaire acharné de l’échelonnement des soins, pourtant demandé instamment par les médecins généralistes, et particulièrement les néerlandophones. Il est à craindre que le dépeçage de la médecine générale ait encore un bel avenir devant lui, et cela, entre autres, par la création des multiples centres de toutes pathologies, de vaccinologie… jusqu’aux aberrations du style prostamobiles et autres ostéoporosemobiles, aberrations en termes scientifiques et en termes de santé publique. Il nous faudra déployer des stratégies complexes pour contrer la machine infernale qui structure les soins de santé par un échelonnement à l’envers. Ce dernier organise le recours obligé et systématique à la médecine spécialisée (particulièrement dans le cénacle du Comité de remboursement des médicaments où la médecine générale est noyée de fait). Et là le combat est inégal: nos partenaires spécialistes et mutuellistes (en tant que producteurs de soins) y sont malheureusement nos concurrents… Cet échelonnement à l’envers est en effet du pain béni pour la médecine spécialisée … et tant pis pour la santé publique! Que dire encore de l’organisation insensée de l’hôpital qui oblige les médecins spécialistes à surproduire des actes au détriment parfois de l’éthique professionnelle. Cela provoque la fuite des spécialistes vers la pratique privée et l’attraction des médecins généralistes vers l’hôpital avec parfois l’exploitation honteuse de certains de ces médecins généralistes sous payés. Les représentants spécialistes du Cartel n’ont de cesse de tenter des réformes pour freiner ces dynamiques destructrices. Mais là aussi le combat est inégal… d’autant plus que le syndicat majoritaire sensé résoudre ces problèmes est lui même conduit par un gestionnaire d’hôpital. La lutte syndicale est bien difficile quand il y a un tel conflit d’intérêt. Que dire aussi des menaces qui pla- nent sur les formations continuées des médecins généralistes ? On peut craindre, en effet, qu’en cherchant à mêler les formations continuées des médecins généralistes et des médecins spécialistes, l’ABSyM et le Groupe directeur de l’accréditation ne réduisent à néant les efforts déployés depuis 30 ans pour assurer l’autonomie des formations continuées en médecine générale. En conclusion, les médecins généralistes sont à l’épicentre de quatre lignes de forces entre, d’une part, l’Etat qui veut nous réguler, sans prendre suffisamment les mesures énergiques nécessaires pour renforcer la première ligne de soins, d’autre part le marché qui cherche à nous déréguler, par ailleurs nos confrères spé- cialistes qui sont dans une dynamique concurrentielle et non complémentaire vis-à-vis des médecins généralistes, et quatrièmement notre propre responsabilité en terme de formation, d’évaluation, d’organisation (ex. : gardes) pour un travail scientifiquement rigoureux et humanitaire. Il est absolument vital pour notre profession que les médecins généralistes reconnaissent ces quatre composants sur lesquels il faut agir, sans quoi nous perdons notre crédibilité pour convaincre (tous nos partenaires n’en sont pas convaincus !) que la médecine générale est réellement utile et nécessaire dans l’organisation des soins de santé et apporte un plus en santé publique. Et ce travail, qui restera un travail de titan car à contre courant, nécessite les forces de chacun… sachant que vos serviteurs syndicalistes généralistes sont aujourd’hui encore et toujours bénévoles. Soyons clairs, tous les syndicalistes ne le sont pas! Et le blocage du financement des syndicats médicaux, coulé en force de loi, rend par là même le combat très inégal. Merci à ceux qui nous font confiance et nous soutiennent dans la défense de notre profession.

Documents joints

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 38 - octobre 2006

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