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L’enquête 11/11/11


Santé conjuguée n° 60 - avril 2012

Quel est le problème prin-cipal de votre public ? Et qu’attendez-vous des maisons médicales ? Ce sont les deux questions que le groupe Re-Germ a posées aux acteurs de la société civile avec lesquels les maisons médicales liégeoises collaborent.

Voilà quelques traits forts, et sombres, du tableau des problèmes révélés par l’enquête 11/11/11. Des travailleurs de maison médicale ont interrogé des intervenants du réseau psycho-médico-social. Et qu’attendent ceux-ci de la maison médicale ? « Elle entretient un lien avec leurs patients qui s’inscrit dans la durée, dans la confiance et dans l’échange. Un antidote partiel à cette situation (ou à ce sentiment) d’aliénation. Qu’elle soit l’un des ’maillons’ qui favoriserait le lien entre ces personnes et le centre culturel. Que la maison médicale aide à cette quête de sens, en aidant à créer des liens, en donnant une autre possibilité de donner du sens par du lien interpersonnel, comme faire se rencontrer les gens autour de projets communs. Un ancrage dans le réseau, un repère de terrain, avec des thérapeutes accessibles. Un suivi global, une analyse plus large, suivi plus «rigoureux», ne pas avoir peur de relancer les gens dans une approche plus globale ». La maison médicale, un lien, donc. Un pôle. Une attache. Terrible responsabilité ? Peut-être. Mais pour certains, rassurez-vous : « Très sincèrement, aucun problème ! Je vous prête la salle de gym, et je n’en attends rien en retour ». Et pour d’autres enfin : « Pas le temps de répondre, surtout juste avant le temps de midi »… « La précarité sociale, tant au point de vue du langage que de l’hygiène par exemple, l’isolement qui en découle. Un sentiment de perte de sens… Pas de projet d’avenir. Pourquoi travailler si on n’a jamais vu ses parents le faire ? Les problèmes psychiatriques. Des souffrances multiples. La pauvreté. Financière, en tous cas, et aussi relationnelle, familiale et intellectuelle. Les gens survivent. Ils n’ont plus d’argent, et des difficultés à vivre à tous les niveaux ».

Questions au réseau

Le groupe Re-Germ depuis 2008 a comme objectif général de réfléchir et d’agir sur les facteurs sociaux et environnementaux de la santé dans notre région. Après avoir réfléchi avec les patients sur leurs priorités en matière de santé en 2009, puis en 2010 nous être questionnés sur la manière dont le fonctionnement de nos institutions renforçait ou diminuait les inégalités en santé1, nous nous sommes tournés vers nos partenaires du réseau. Dans chaque équipe, nous avons proposé de faire un brainstorming pendant 11 minutes pour faire l’inventaire des acteurs de la société civile (individus ou institutions, politiques ou membres du réseau psycho-médico-social). Dans chaque équipe, 11 membres devaient choisir un membre de cette liste, qu’il fallait rencontrer pour poser deux questions. Onze personnes ont eu la mission d’interroger chacun un intervenant extérieur différent, pour poser deux questions : 1. Quel est le problème principal de votre public ? 2. Qu’attendez-vous de la maison médicale par rapport à ce problème ? En outre la profession et le nom de l’institution interrogée était demandée. Dans chaque équipe, un délégué a ensuite recueilli les 11 feuilles de réponses et les a fait parvenir au Re-Germ pour le 11/11/11. Dix-sept équipes, parmi les dix-neuf contactées ont participé et ont interrogé 105 personnes, services ou institutions. Le tableau ci-après dresse l’inventaire des partenaires interrogés.
Domaine de la santé mentale (centre de santé mentale, clinique psychiatrique, habitation protégée,…) 13
Pharmacien 10
Centre culturel (et dispositif d’insertion par la culture ou d’éducation populaire) 7
ONE 4
CPAS 4
Bibliothèque communale 2
Aide à domicile 2
Associations défense ou d’intégration des migrants 2
Aides en milieu ouvert 2
Hôpital 2
Laboratoire d’analyses médicales 2
Centre de guidance 2
Halte garderie 2
Délégué pharmaceutique 2
Police 2
Educateur de rue 2
Ecole 2
Maison de jeune 2
Diacre (paroisse) 2
Divers 29
Quelques exemples de réponses se trouvent en préambule de ce texte.

Discussion

Une fois de plus, nous sommes impressionnés par le très haut taux de participation à l’enquête, malgré le court temps de l’enquête et la charge de travail quotidien des travailleurs des maisons médicales. La méthode, expérimentée pour la première fois à la fin des années 90, pour étudier les motifs de contacts en maison médicale, y est sans doute pour beaucoup : un recueil de données pendant très peu de temps, qui n’engage à rien, autour d’un thème qui mobilise l’ensemble des équipes a un effet dynamisant à faible coût. La pertinence des questions, la simplicité de la démarche ont favorisé ce haut taux de participation. L’aspect non institutionnel du groupe Re-Germ et la sympathie qu’il suscite, entre autre grâce à son nom, le thème fondamental qui est au coeur de sa réflexion et le motif de son existence, peuvent expliquer aussi la réponse favorable des participants. Les membres permanents de l’intergroupe liégeois, qui sont en général les promoteurs d’activités dans les équipes se sont totalement investis dans le processus et ont apprécié de devenir joueurs, alors que d’habitude ils organisent les jeux. Le brainstorming et la description du panorama des partenaires du réseau ont suscité de l’intérêt et même de l’enthousiasme parfois. Pour certaines équipes, c’était la première fois qu’elles établissaient une liste de leurs partenaires. On nous a dit que cela avait provoqué un déclic parfois. Qu’est-ce que cela pourra induire en termes de processus ? Certains partenaires du réseau ont des relais très bien identifiés au sein des équipes. Il s’agit de l’assistant(e) social(e) ou d’un autre membre (les infirmières pour les services d’aides familiales). La démarche parfois a permis de faire mieux connaître le relais de l’intergroupe liégeois au sein de l’équipe. Cela a développé la réflexion sur la définition du réseau et suscité le désir chez certains de rencontrer d’autres acteurs du réseau. Les contacts avec le réseau sont très variables selon les travailleurs des maisons médicales. Finalement, on semble dire que tout travailleur de maison médicale, quelle que soit sa fonction, même au sein du secteur administratif pourrait avoir des liens avec le réseau. Souvent, en maison médicale, on explicite ce qu’on attend des autres partenaires du réseau. Par cette enquête, on a inversé la question, en demandant aux partenaires d’expliciter ce qu’ils attendaient des maisons médicales. Aucune consigne n’avait été donnée pour sélectionner les partenaires à rencontrer. Certains ont choisi des partenaires qu’ils connaissaient déjà bien. D’autres ont profité de l’enquête pour faire connaissance avec des acteurs qu’ils ne connaissaient pas ou rencontrer quelqu’un avec qui la collaboration était plus difficile. Un certain nombre de réponses des personnes interrogées suscitent de nouvelles questions et hypothèses. Notons que selon leurs fonctions, les personnes ont cité des déterminants médicaux ou non médicaux. De nombreux acteurs du réseau partagent notre analyse sur la progression de la précarité et la perte de lien social. Nous avons des choses à échanger tous ensemble. Plusieurs d’entre nous ont été impressionnés de voir à quel point les maisons médicales sont perçues comme un lien par différents membres du réseau. Souvent, nous utilisons le réseau, mais le réseau attend des choses importantes de nous. Peut-être, comme certains patients, des membres du réseau ont des attentes démesurées vis-à-vis des maisons médicales ? Un problème souvent cité par des institutions culturelles est qu’elles sont difficilement accessibles aux publics plus précaires, qui sont justement les publics qui fréquentent les maisons médicales. De façon générale, on attend des maisons médicales de renforcer la collaboration et même d’aider à faire connaître à leur public les autres institutions. Les maisons médicales pourraient être plus actives pour faire connaître d’autres services. Cela pourrait être une piste pour renforcer la capacité d’agir et donc l’autonomie des patients. Il y a en tout cas là, des pistes de collaborations pour des actions communautaires futures. Si certains disent que ce n’est pas notre rôle de favoriser le lien entre nos usagers et les institutions du réseau, ces institutions peuvent apporter à nos patients des réponses qui pourraient diminuer leurs demandes en soins de santé. Le transfert vers les institutions culturelles pourrait ainsi être « payant » pour les services de soins, à moyen terme. Un retour personnalisé des résultats et de la discussion de l’enquête auprès des travailleurs des équipes ayant participé est prévu. Nous allons proposer au délégué de l’intergroupe liégeois de ces équipes d’organiser un retour auprès de ses membres, afin de décider d’éventuelles suites à donner à cette enquête. Nous encouragerons tous les participants à rencontrer les personnes extérieures interrogées pour leur remettre la synthèse de l’enquête et même, pourquoi pas organiser une réunion d’équipe avec les membres du réseau pour discuter de cette enquête et des suites potentielles.

Documents joints

  1. Les synthèses de ces deux enquêtes ont été publiées dans des numéros antérieurs de Santé conjuguée.

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 60 - avril 2012

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