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Les médecins généralistes, la littérature scientifique et la qualité des soins


Santé conjuguée n° 61 - juillet 2012

Quelles sont les initiatives de lecture critique d’articles scientifiques en Belgique ? Comment sont apparues ces initiatives ? Quels sont les obstacles à l’articulation entre la pratique médicale quotidienne et l’application des résultats de la littérature ? Quelle est la place de la médecine basée sur les preuves (EBM) dans la formation continue et plus généralement dans un système de soins de qualité ? Comment poursuivre ce mouvement initié depuis plus de 10 ans et augmenter son impact sur la qualité des soins ? Benjamin Fauquert tente de répondre à ces questions et d’expliquer comment un meilleur accès à l’information validée pourrait davantage contribuer à la qualité des soins.

Voici plus de 10 ans que se sont installées en Belgique des initiatives de qualité des soins basées sur la lecture critique selon la méthodologie de l’evidence based medicine (EBM). • Commençons par la revue Minerva, qui consiste en un comité de rédaction composé de médecins et qui réalise une veille continue de la littérature médicale internationale. Il sélectionne des articles pertinents pour la médecine générale et critique la méthodologie et les résultats des études décrites. • Le projet Farmaka consiste pour sa part à mettre à disposition des médecins des visiteurs médicaux dont les sujets ont été préparés sur base des meilleures données de la littérature. Il édite aussi un formulaire thérapeutique ciblé sur les personnes âgées institutionnalisées (formulaire MRS). • Le CEBAM (Centre belge d’EBM) quant à lui donne des formations à la lecture critique d’articles, à la recherche d’informations médicales validées (EBM) via sa bibliothèque digitale. Il soutient également les initiatives de rédaction de revues systématiques et valide la méthodologie de rédaction des recommandations de bonnes pratiques belges. • Le Centre Belge d’information pharmacothérapeutique (CBIP) édite les Folias Pharmacotherapeutica, rédigés sur le même principe que Minerva mais à propos des médicaments. Les recommandations de bonne pratique sont basées sur des revues systématiques de la littérature et délivrent des messages pertinents pour le contexte et la pratique des médecins généralistes. Toutes ces initiatives sont indépendantes financièrement et intellectuellement des firmes pharmaceutiques (les conflits d’intérêts sont déclarés). Elles sont financées par les pouvoirs publics : l’INAMI ou le Service public fédéral santé publique. D’autres initiatives de qualité des soins, non directement basées sur l’analyse de la littérature internationale existent, en particulier le conseil national de promotion de la qualité – CNPQ qui siège à l’INAMI : il contribue à l’application dans la pratique médicale des preuves issues de la littérature (lire article précédent). Développer la rigueur face à la pléthore d’études scientifiques La recherche scientifique et en particulier médicale, qu’elle soit fondamentale ou clinique, publique ou privée s’est incroyablement développée après la Seconde Guerre mondiale. Cela a conduit à une accélération du renouvellement des connaissances que l’on peut visualiser au travers de la croissance du nombre de publications dans le Medline (base de données de la bibliothèque nationale américaine qui recense l’immense majorité de ces publications) ou du nombre de médicaments disponibles. Le nombre de publications a particulièrement augmenté à la fin des années 90. Mais la qualité de ces publications et de ces médicaments disponibles est sujette à discussion. Face à cette pléthore, s’est imposée la nécessité de filtrer, de rationaliser, de critiquer et de prévoir la rigueur scientifique et méthodologique à respecter pour la construction des études cliniques et la rédaction des articles qui les rapportent1. C’est ainsi que les exigences méthodologiques strictes qui avaient déjà commencé à s’imposer progressivement depuis quelques décennies, se sont renforcées : randomisation, double aveugle, analyse en intention de traiter, puissance, cohérence des conclusions avec les résultats, pour ne citer que quelques exemples. Des « journals clubs » se sont formés comme le « ACP journal club », émanation de la rédaction des Annals of Internal medicine, ou comme à l’université Mc Master au Canada : ces groupes de rédactions se consacrent uniquement à la publication de critiques des études originales. En outre, des méthodologies encore plus poussées ont été développées pour réaliser des revues systématiques de littérature et si possible en sommer les résultats chiffrés ce qui constitue une méta-analyse. Ces trois formes de travail critique forment la littérature secondaire. En Belgique, au niveau de la médecine générale, le mouvement a suivi avec la création de la revue Minerva, les Folias Pharmacotherapeutica. Il existe aussi une littérature tertiaire qui synthétise les critiques qui se sont accumulées chronologiquement sur un thème donné, sous la forme d’un seul document facile à lire et à exploiter. En anglais, elle est représentée par Clinical Evidence une publication de BMJ editions, et au niveau belge par les Fiches de transparence du CBIP. Et enfin une littérature quaternaire qui consiste à rédiger des recommandations de bonne pratique (ou guidelines dans le monde anglophone) : celles-ci remettent les résultats des études cliniques dans le contexte du pays où elles sont rédigées, notamment par rapport aux réglementations nationales et aux molécules disponibles. Les “5S de Haynes” permettent de visualiser cette stratification de la littérature (cfr figure en bas de page). Ces niveaux de littérature supplémentaires structurent, rendent accessible et applicable ce qui est publié grâce à leur fonction de sélection et de synthèse. L’objectif est de soustraire autant que possible tout un chacun à la lecture critique de littérature primaire et de traduire des études cliniques somme toute assez spécifiques en décisions applicables aux situations médicales de tous les jours. Un objectif parallèle consiste à ne plus se fier uniquement aux discours les plus visibles, qu’ils soient influencés par l’objectif promotionnel des firmes pharmaceutiques ou par l’expérience personnelle. Ces niveaux supérieurs de lecture ont toujours un temps de retard sur les dernières études sorties : ce retard est compensé par une robustesse scientifique beaucoup plus forte. Au final, la lecture critique fait partie intégrante de la méthodologie scientifique et de sa justification épistémologique qui veut que l’on conserve son esprit critique et que l’on remplace un modèle explicatif par un autre quand les preuves expérimentales deviennent suffisantes. Des freins à l’accès, mais aussi des remèdes ! Mais cette articulation entre la pratique médicale quotidienne et l’application des résultats de la littérature se heurte à quelques obstacles. L’apparition des littératures de niveau supérieur permet de ne pas connaître dans le détail les techniques statistiques et de lecture critique. La lecture des méta-analyses et revues systématiques demandent une certaine habitude mais des résumés critiques publiés par exemple par la revue Minerva existent. Quand on passe au niveau tertiaire (Clinical Evidence) puis au niveau quaternaire (recommandations de bonne pratique), le besoin en compétences statistiques diminue drastiquement. Ensuite, la maîtrise de l’anglais peut aussi poser problème, quand un sujet n’est pas traité au niveau francophone (belge, français ou québécois), ce qui arrive encore régulièrement. Autre écueil : l’accès aux bases de données informatisées qui rassemblent les textes des recommandations. La connaissance de l’existence des différentes bases de données ou de sites web et la maîtrise de leurs moteurs de recherche est une compétence à acquérir. Même si les compétences informatiques globales et d’interrogation de moteur de recherche se généralisent dans la population, le domaine de la santé présente tout de même des spécificités. C’est pourquoi la bibliothèque digitale du CEBAM (CDLH) peut être une aide précieuse. Il s’agit d’un outil qui synthétise sur une page tous les accès aux recommandations internationales et nationales. Il faut d’ailleurs noter que le taux d’informatisation des médecins en Belgique est très bon. C’est un atout pour un outil informatique tel que le CEBAM Evidence Linker qui permet de lier directement le diagnostic médical encodé dans le dossier médical informatisé aux recommandations de bonne pratique. Cet outil présente une réelle avancée puisqu’il évite au médecin de devoir taper un mot clé : il peut accéder à la littérature directement à partir de son dossier médical sans devoir ouvrir d’autre interface. L’applicabilité effective de ces recommandations n’est pas non plus facile à percevoir. Le manque de ressources générales mises en place pour aider les médecins à appliquer en consultation des résultats issus de la littérature peut décourager certains. On pourrait ainsi développer les ressources pédagogiques concernant la communication de ces messages vers les patients. Enfin, il y a aussi la difficulté à appréhender la notion de balance bénéfice/risque qui repose notamment sur les statistiques. Or, l’enseignement de cette discipline a occupé peu de place dans le cursus universitaire jusqu’à une période récente. Et cela malgré plus d’un siècle et demi d’existence, depuis la compréhension par John Snow en 1854 de la propagation d’une épidémie de choléra en analysant sa fréquence en rapport avec l’accès à des points d’eau contaminée dans le quartier de Soho à Londres. À ces compétences ont été préférées d’autres notions enseignées traditionnellement : la physiopathologie et la sémiologie. Depuis 10 ans, des cours de statistiques appliquées à l’EBM sont organisés dans chaque secteur de la formation médicale : formation initiale, formation spécialisée (médecine générale et autres spécialités), formation continue (donnés par le CEBAM). La place de l’EBM dans l’enseignement m’amène à parler de la place de l’EBM dans la pratique et à en rappeler la définition par Sackett qui décrit la décision médicale comme la conjonction de trois sources d’informations : les connaissances de base et l’expérience du médecin, les preuves de la littérature et les volontés du patient. Ceci démontre la volonté d’intégrer les résultats de la littérature parmi les autres facteurs qui influencent la décision clinique. Il existe des obstacles d’ordre plus politique, certains discours ont la vie dure. Par exemple, la manipulation à mauvais escient du discours sur la liberté thérapeutique des médecins. L’application de publications EBM ne restreint pas la liberté thérapeutique, elle ajoute un argument pour aider le médecin à prendre sa décision clinique. La formation continue, gage de qualité des soins Les formations continues se sont-elles dès lors emparées de cette nouvelle littérature pour l’ajouter à leur arsenal pédagogique ? Pas toujours en réalité. Pourtant, très clairement, l’accès à de l’information validée constitue, comme la formation continue, une dimension de la qualité des soins2. Dans le monde médical, la place de la formation continue est bien établie : les médecins ont conscience de pratiquer un métier basé sur une science en évolution permanente depuis maintenant plusieurs décennies. De par l’aspect universitaire de la formation en médecine, tous les médecins praticiens ont été sensibilisés précocement aux thèmes de la recherche et de l’enseignement. La profession médicale est donc consciente qu’il n’est plus possible de pratiquer ce métier sans actualiser les connaissances apprises au cours du cursus universitaire. La formation continue est donc reconnue implicitement comme un gage de qualité des soins. Au début des années 80, des formations continues se sont mises en place de façon plus systématisée, en particulier les groupes locaux d’évaluation médicale, ou GLEM, qui sont la traduction belge de la formation par les pairs. Elles sont devenues obligatoires pour obtenir le statut de médecin accrédité et donc le droit au remboursement maximal de ses prestations par l’INAMI. Les médecins participent volontiers à ces formations et à d’autres bien qu’elles aient lieu la plupart du temps en dehors des horaires de travail habituel (le soir ou le week-end) ce qui témoigne d’un attachement certain à leur réalisation. Néanmoins, l’organisation de ces formations est actuellement très majoritairement financée par les firmes pharmaceutiques avec la complaisance plus ou moins grande des médecins. C’est ce facteur qui me semble jouer le plus dans les pratiques de formation des médecins. Les firmes s’ingénient à présenter les résultats des études qui présentent leurs molécules sous un jour favorable en omettant les effets secondaires et les molécules plus anciennes tout aussi efficaces. Il faut dire que les budgets consacrés au marketing, c’est-à-dire ceux qui financent les repas et la location des salles de nos formations continues, les voyages en avion et les nuits d’hôtels dans les congrès internationaux des orateurs de ces même formations (appelés aussi leaders d’opinion) sont colossaux en regard des budgets publics accordés aux différentes initiatives indiquées plus haut. Difficile, dans ces discours sous influence, de faire passer des informations nuancées. La source de mauvaise interprétation des études qui me semble la plus fréquente est le retour systématique à l’étude originale (souvent financée par une firme pharmaceutique), en disqualifiant implicitement les grincheux qui en ont fait la critique. Le défi d’intégrer la masse d’informations « EBM » Actuellement, en Belgique, trop peu de médecins ont accès aux critiques de la littérature réalisées par les différents groupes de rédaction belges. Ceux-ci ont accompli un travail sans précédent depuis plus de 10 ans mais ne disposent pas d’assez de ressources humaines et financières pour mener à bien une sensibilisation encore plus large, dont on peut considérer que les déterminants leur échappent souvent. Le problème principal reste la masse d’information que les médecins doivent intégrer pour mettre à jour leurs connaissances régulièrement. Cette masse d’information évolue, beaucoup sont ajoutées, d’autres sont retirées. Heureusement, un premier tri est effectué par les groupes de lecture critique, grâce aux initiatives expliquées ci-dessus. Mais quel médecin pourrait se tenir régulièrement à jour par les moyens suivants : lire les Folias du CBIP, la revue Minerva, une nouvelle recommandation de la SSMG, un changement de remboursement de l’INAMI, la revue Prescrire, recevoir un délégué indépendant de Farmaka, participer à son GLEM, à son Dodécagroupe, lire son profil de prescription INAMI (médicament, mammographie, radiologie) et chercher sur la bibliothèque du CEBAM des informations spécifiques qui ne se trouvent dans aucune de ces ressources. Sachant aussi que selon les études, un médecin se pose entre 3 et 15 questions par jour. Le tout devant être adapté en actes à la pratique quotidienne, par un mécanisme qui s’apparente pour l’instant à un tour de passe-passe ! Les GLEM et Dodécagroupes sont justement des lieux de discussion de ces informations pour les implanter dans la pratique, malgré les réserves émises ci-dessus quant à leur mode de fonctionnement. Par un autre biais, le dossier médical informatisé devrait aider, lui aussi, à faire passer les notions tirées de l’information validée dans la pratique des soins. Des exemples expérimentaux existent déjà, tel le système EBMeDS expliqué plus loin. Changer les pratiques : agir sur tous les leviers C’est là qu’entrent en jeu des notions d’assurance de qualité, de dynamique de changement. Il faudrait augmenter l’intégration des médecins dans des dynamiques de changement des pratiques. Par exemple, des temps de latence trop lâches comme un trimestre entre deux GLEM ou 12 à 18 mois de délai pour obtenir son feedback personnel de prescription de l’INAMI ne favorisent pas cette dynamique. De nombreux déterminants modulent cette dynamique de formation continue, à classer selon le modèle « connaissances, attitudes et pratiques ». Lister et analyser ces déterminants demanderait un article en soi et plus d’exhaustivité mais les hypothèses données dans le tableau page précédente prêtent déjà à réfléchir sur les leviers potentiels d’une amélioration de la formation continue. Déterminants de la dynamique de formation continue en médecine générale
Connaissances Attitudes Pratiques
Bonnes :
Scientifiques
Biomédicales
Faibles :
Communication
Anglais
Lecture critique
Favorables :
Méthodologie scientifique
Éthique
Convaincus de la nécessité de formation
Défavorables :
Soumission à des pratiques
commerciales
Répandues :
Avis de confrères
Réunions externes
Lecture d’articles, de livres
Peu répandues :
Réunions internes (cabinet de groupe)
Procédures internes d’évaluation de la qualité
Systématisation des soins
En amélioration :
Informatique
Pour augmenter la qualité des soins, il ne faut pas seulement favoriser l’utilisation par les médecins de la littérature EBM mais aussi jouer sur tous ces facteurs à la fois.

Faliciter l’accès on line

Sur l’initiative du CNPQ, l’asbl EBMpracticeNet a été récemment fondée pour améliorer l’accès aux informations EBM belges. Cet accès doit donc être rapide, réalisable au moment de la consultation, sans recherche compliquée (« at the point of care », en anglais) et productif (pas de résultat non trouvé). L’objectif est donc de remédier à la dispersion des sites web, de créer un format de lecture facilement reconnaissable et lisible à l’écran. De plus, cette information devra être accessible directement à partir du logiciel médical. Les informations non directement visibles et les sources auxquelles se réfèrent les documents seront accessibles par une série de liens. Ce projet permettra de faire le point sur l’ensemble des sujets traités en Belgique par les différents producteurs d’EBM et d’ajouter les thèmes non traités en recourant à des sources internationales qui seront traduites. Pour être attractif et utilisé, EBMpracticeNet mise donc sur la rapidité, la facilité de recherche, de lecture et l’exhaustivité. Au niveau international, une revue de la qualité des différents systèmes d’accès à l’information EBM a été réalisée (Prodigy, Clinical Evidence, Uptodate, BestBets, Map of Medicine, EBM guidelines, eMedecine…)3 et c’est finalement la collection EBMguidelines qui sera choisie comme source principale d’information complémentaire. Ce choix a été dicté parce qu’elle renforce les trois critères « Connaissances, Attitudes, Pratiques », mais aussi parce qu’elle repose sur une dynamique de production des guidelines particulièrement riche et parce qu’elle est restée en dehors de toute pratique commerciale excessive (Duodecim est une société du secteur non-marchand). L’exemple finlandais : la production participative En effet, la dynamique mise en place en Finlande depuis le début des années 90 est édifiante. Ses caractéristiques principales sont les suivantes. Le gouvernement et la société scientifique finlandaise de médecine soutiennent ce processus depuis le début. Cette société scientifique réunit plus de 90% des médecins finlandais soit 17000 membres. 800 médecins (300 auteurs et 500 membres de groupes de relecture) sont impliqués dans la production et la mise à jour des guidelines. La collection de guidelines est orientée médecine générale et couvre quasiment tous les sujets nécessaires. Il existe des possibilités pour adapter les guidelines nationaux au niveau local. La recherche dans la collection est simple et rapide. La lecture à l’écran est rapide, les points importants sont facilement identifiables, et peut de surcroît se faire depuis un ordinateur fixe, portable ou un smartphone. La mise à jour est fréquente et facilitée par un système d’édition en ligne performant. Les sources bibliographiques et les niveaux de preuve sont indiqués. Au final, ces guidelines sont consultés 7.000.000 de fois par an soit en moyenne au moins une fois par jour par chacun des 17000 médecins finlandais. C’est donc une production participative, valorisante, intégrant la société professionnelle de médecine générale, ce qui apporte une grande légitimité au processus. La production largement partagée de recommandations a indiscutablement des retombées sur leur utilisation : c’est la mise en place d’un cercle vertueux qui est un des axes de la pérennité de la médecine générale, par la création d’une connaissance qui lui est propre et légitime. Le GRAS, une initiative bénévole et bienvenue Le Groupe Recherche Action Santé est une asbl fondée par des médecins généralistes militant contre les pressions de l’industrie pharmaceutique sur la prescription médicale. Ils publient trimestriellement « La lettre du GRAS » dans laquelle sont pointées les initiatives marketing abusives et autres manipulations commerciales des firmes pharmaceutiques, dans un style rédactionnel humoristique. D’autres articles relatent des problématiques de fond comme la création de maladies (disease mongering) dans le domaine de la psychiatrie, l’usage des brevets industriels, les conflits d’intérêt des experts scientifiques. Un cahier de revendications concernant les décisions en matière de médicaments et de formation médicale continue est envoyé périodiquement aux représentants politiques. Une publication on ne peut plus rafraîchissante ! L’asbl EBMpracticeNet a donc cette ambitieuse tâche de faire travailler les producteurs d’EBM belges ensemble, puis d’élargir le panel de médecins travaillant à la production de guidelines pour mettre à disposition les informations sur un moteur de recherche commun. Actuellement, on peut déjà consulter la collection EBM-guideline en anglais sur le site ebmpracticenet.be, hébergé par eHealth. D’ici la fin de l’année 2012, cette collection sera traduite en français et en néerlandais, et le cas échéant ces guidelines seront enrichis de liens vers les sources belges (CBIP, Minerva…) traitant du même sujet. Un système informatique de flux éditorial sera mis en place pour adapter le format des recommandations belges et les rendre lisibles sur écran. Un plan de promotion sera mis en place pour intégrer des médecins généralistes dans la production.

Encore un peu plus loin…

Un degré supérieur d’intégration de l’information dans la décision clinique consiste en l’utilisation d’un système d’aide à cette même décision clinique. De tels systèmes s’appuient sur les données encodées dans le logiciel médical (diagnostics, examens physiques, résultats de laboratoire, traitements) pour proposer directement des conseils de soins adaptés à la situation clinique. De tels systèmes sont au stade d’expérimentation, et demandent une analyse encore plus détaillée des recommandations pour pouvoir en extraire les messages réellement indispensables. Ils doivent pouvoir être utilisés dans la pratique sans altérer la communication avec le patient, sans provoquer une fatigue du thérapeute. Le système EBMeDS est déjà testé en Belgique4. Il est encore plus adaptable pour des protocoles locaux que la collection EBM-guidelines. Il est bien sûr instantané et systématique ; il pousse l’information vers l’utilisateur. On imagine que la dynamique de changement d’une pratique est alors favorisée au maximum. Il permet aussi de faire une analyse instantanée de toute une patientèle et donne ainsi au thérapeute une image spécifique de sa patientèle, source d’information inestimable pour penser son travail quotidien.

Le début d’une nouvelle ère ?

Finalement, nous voyons que ces 10 ans ont été bien remplis au vu du chemin parcouru, de la densité de l’information EBM produite en Belgique par de nombreux groupes de rédaction. Mais la poursuite de ce mouvement ne suffira pas et pour augmenter la qualité des soins, il faudra jouer sur les nombreux facteurs qui la modulent. L’objectif de l’asbl EBMpracticeNet est de poursuivre ce chemin en valorisant cette information, en la complétant et en étendant la dynamique de production et de lecture critique à un plus grand nombre de médecins. Ce qui ne manquera pas, on s’en doute, d’augmenter la confiance en la médecine générale et la qualité des soins donnés. Pour en savoir plus : • farmaka.be • minerva-ebm.be • cbip.be • cebam.be > digital library • ssmg.be > recommandations de bonnes pratiques • domusmedica.be > aanbevelingen • inami.fgov.be > promotion de la qualité > feedbacks de prescription : https ://www.inami.fgov.be/care/fr/ doctors/promotion-quality/feedbacks/index.htm • ebmpracticenet.be • ebmeds.org • grouperechercheactionsante.com

Documents joints

  1. Bastian, Hilda, Paul Glasziou, et Iain Chalmers. « Seventy- Five Trials and Eleven Systematic Reviews a Day: How Will We Ever Keep Up? » PLoS Medicine 7, no. 9 (septembre 2010).
  2. van Driel ML, De Sutter AI, Christiaens TC, De Maeseneer JM. « Quality of care: the need for medical, contextual and policy evidence in primary care.» Journal of Evaluation in Clinical Practice, Vol. 11, No. 5. (October 2005), pp. 417-429.
  3. Moja, Lorenzo, Rita Banzi, et Ludovica Tagliabue. « Review of “pull” point-ofcare services ». International Journal of Medical Informatics 80, no. 8 (août 2011): 604–605.
  4. Heselmans, Annemie, Bert Aertgeerts, Peter Donceel, Siegfried Geens, Stijn Van de Velde, et Dirk Ramaekers. « Family Physicians’ Perceptions and Use of Electronic Clinical Decision Support During the First Year of Implementation ». Journal of Medical Systems (mars 9, 2012). http://www. ncbi.nlm.nih.gov/ pubmed/22402980.

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 61 - juillet 2012

Les pages ’actualités’ du n° 61

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