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La santé des adolescents interpelle largement les responsables de santé publique. En Tunisie comme dans beaucoup d’autres pays, ces jeunes sont observés à partir du milieu scolaire. Mais beaucoup de jeunes abandonnent précocement l’école, malgré sa gratuité. Cet article met en évidence la nécessité de trouver de nouvelles pistes, tant pour l’étude que pour l’intervention.

Les adolescents sont particulièrement vulnérables : premiers influencés par les changements environnementaux et sociétaux, ils sont plus exposés à des comportements à risque pour la santé, ceux-ci pouvant avoir des répercussions tout au long de leur vie adulte. En Tunisie, la santé des jeunes est particulièrement importante puisque cette tranche d’âge représente une proportion considérable de la population générale : 20,7% pour les 10-19 ans, 10,7% pour les 15-19 ans selon le dernier recensement. Leur état de santé est observé de façon systématique en milieu scolaire ; mais, hors de ces structures, l’observation est plus rare et porte sur les conduites addictives fortes plutôt que sur les autres risques de santé. Or, le taux d’abandon de la scolarité n’est pas négligeable ; près du tiers des jeunes de 13 à 19 ans sont hors du circuit scolaire en Tunisie. L’étude transversale évoquée ici, réalisée en 2005 s’inscrivait dans le cadre de la promotion de l’équité en santé : elle visait à comparer l’état de santé des adolescents tunisiens en fonction de leur statut scolaire, à travers deux indicateurs : la corpulence et la tension artérielle. Il s’agit d’une étude d’envergure nationale particulièrement pertinente en Tunisie au niveau du sujet abordé, des résultats observés et du choix de l’échantillon. Elle a porté sur 2870 adolescents de 15 à 19 ans (1294 garçons et 1576 filles, âge moyen : 17,4 ans) issus d’un échantillon national stratifié, en grappes à 2 degrés (7 régions x 47 districts x 20 ménages). Les jeunes scolarisés constituent 72% de l’échantillon ; la proportion de jeunes vivant en milieu urbain s’élève à 62%.

Les jeunes filles plus à risque

Chez les garçons, la scolarisation n’apparaît pas associée à la surcharge pondérale et à l’obésité ; elle l’est cependant pour la pression artérielle élevée. Par contre, les prévalences de la surcharge pondérale, de l’obésité abdominale, de la pression artérielle élevée et de l’hypertension sont plus élevées chez les filles non-scolarisées que chez les filles scolarisées. Dans l’analyse multivariée, nous avons ajusté les données pour gommer l’effet du niveau socioéconomique du ménage et du milieu de résidence ; toutefois les observations n’ont pas changé chez les filles. En effet, le risque défini par l’odds ratio (OR non scolarisés/scolarisés) et son intervalle de confiance à 95% étaient plus élevé chez les non scolarisées : surcharge pondérale 2,1[1,5-2,9] ; obésité abdominale 1,9[1,3-2,7], pression artérielle élevée 1,5[1,2-2,0] ; HTA 2,1[1,1-3,9]). Cependant, nous n’avons pas trouvé de différence chez les garçons scolarisés et non-scolarisés à l’exception de la pression artérielle élevée où le risque était plus important chez les non scolarisés : OR[IC à 95%] de 1,4[1,0-2,0]. Ces disparités pourraient être expliquées par des différences en terme d’activité physique, qualité du régime alimentaire, stress perçu… plus accentuées chez les filles que chez les garçons. En effet, selon les données de la même étude, la proportion d’adolescents ayant un régime alimentaire de bonne qualité (Diet Quality Index-International >60) était plus élevée chez les scolarisés ; la pratique de sport en dehors de la marche était plus fréquente chez les scolarisés et le niveau de stress perçu était plus élevé chez les non-scolarisés. De nouvelles pistes pour la promotion de la santé Ces disparités sont observées dans un pays où les stratégies de promotion de la santé des adolescents touchent beaucoup plus les jeunes scolarisés par le biais de programmes de médecine scolaire et universitaire que les autres. Les interventions ciblant les jeunes non scolarisés sont assurées par les ministères des Affaires sociales, de la Femme et de la Famille ainsi que par des organisations non-gouvernementales ; elles visent essentiellement la lutte contre les conduites addictives (comportements sexuels à risque, toxicomanie, délinquance et violence). Les disparités mises en évidence par cette étude, en matière de santé selon le genre et le statut scolaire méritent d’être explorées. Par ailleurs, elles permettent d’insister sur le fait que les mesures de prévention en matière de santé générale ne doivent pas seulement viser les adolescents scolarisés mais aussi les jeunes non scolarisés et être renforcées chez ces derniers, particulièrement chez les filles.

Documents joints

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 65 - septembre 2013

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